Miel et contrefaçon

Les Français consomment quatre fois plus de miel que n’en produit le pays. Mais cet aliment est souvent l’objet de fraudes qui le dénaturent, notamment par ajout de sucre. Les miels importés d’Asie sont le plus souvent en cause.


Sa couleur de soleil aux reflets d’or souligne sa valeur, sa transparence est symbole de pureté. Sucré et subtilement parfumé, nourrissant et antiseptique, il fait figure d’aliment miracle. Quoi de plus beau et bon que le miel, franchement ?

Pourtant, il arrive qu’il ne soit pas si immaculé qu’il y paraît. D’après une série de tests, 32 % des miels analysés présentaient une non-conformité soupçonnée ou avérée. En particulier, 6 % avaient été dilués avec du sirop de sucre, et 11 % avaient possiblement subi le même traitement. Pourtant, dans l’Union européenne, pas d’ambiguïté, le miel désigne un produit issu de la ruche, sans aucun ajout ou retrait de quoi que ce soit. Tout ajout de sirop de sucre est donc bien une fraude.

Les tests européens viennent confirmer des analyses réalisées en France: sur 20 miels « premier prix » achetés dans diverses enseignes de la grande distribution, six présentaient des ajouts de sucre. Soit presque un tiers des produits. Fin 2013, la DGCCRF (la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), constatait de son côté après enquête que plus d’un miel sur dix avait « subi l’addition de sucres exogènes issus de la canne ou du maïs (jusqu’à une teneur de 44 %), ou d’eau ».

« L’ajout de sirop de sucre est la fraude la plus classique, car la plus rentable »,

La Chine est le principal exportateur de miel dans le monde, et elle propose les prix les plus bas

Dans le milieu, la pratique est connue de tous. Et on sait très bien que ce « faux » miel, ou miel adultéré, vient principalement de Chine. « À première vue, seul un maximum de 15 % du miel chinois correspond à notre définition du miel.

La Chine est le principal exportateur de miel dans le monde, et elle propose les prix les plus bas. Selon les chiffres, depuis 2007, les exportations de miel d’Asie auraient augmenté de 196 %, alors que dans le même temps le nombre de ruches n’aurait grimpé que de 13 %. À moins que les abeilles asiatiques, et en particulier chinoises, soient devenues très productives, la différence est probablement « couverte par la dilution avec des sirops ».

Ce miel adultéré est consommé par les Chinois, mais se retrouve aussi dans les rayons de nos supermarchés. En France, la production en 2016 n’a été que d’environ 10.000 tonnes, soit au moins trois fois moins qu’il y a trente ans. La consommation, elle, se maintient aux alentours de 40.000 tonnes. La différence a été comblée par le doublement des importations de miel depuis 2004. La proportion de la Chine dans les volumes importés n’a fait que croître elle aussi, et a atteint 22 % du miel importé en France en 2015.

« Les importateurs savent très bien qu’il s’agit de faux miel »

Les miels de différents pays sont ensuite mélangés par les importateurs pour assurer un goût et une couleur stable au produit, conditionnés, puis vendus à la grande distribution. Le plus souvent, ce sont les miels bas de gamme des marques distributeurs. Sur l’étiquette, aucune indication florale à part « toutes fleurs » ni d’origine géographique. La mention la plus courante est « mélange de miels originaires de l’UE et hors UE »… Difficile de faire moins précis.

« Quand ils achètent en dessous d’un certain prix, les importateurs savent très bien qu’il s’agit de faux miel ». Ils jouent avec les défaillances des tests officiels de qualité, qui n’arrivent pas à détecter toutes les fraudes. « En Chine, des usines sont capables de fabriquer des produits qui s’approchent de très près de la composition du vrai miel. Ils vont sortir conformes, et respecter les critères légaux », indique Paul Schweitzer, qui dirige un laboratoire d’analyses appelé le Cetam. Pendant la saison creuse pour son labo, il s’amuse parfois à acheter des miels dans le commerce et à les tester : « On trouve 10 à 15 % de miels présentant une adultération, et c’est probablement sous-estimé. »

Un étiquetage plus précis de l’origine du miel

Une concurrence que l’on retrouve aussi dans les rayons des supermarchés. « Dans le rayon, l’apiculteur local sert d’alibi. 90 % des références sont constituées d’importations au prix de 10 à 15 euros le kilo, et le reste, c’est du français entre 15 et 30 euros ».

Il est donc favorable qu’un étiquetage plus précis de l’origine du miel entre en vigueur. C’est d’ailleurs ce que demandent les représentants des apiculteurs : une traçabilité totale de l’origine des miels mélangés dans notre pot, avec une indication sur l’étiquette, ou via un code QR qu’il suffirait de scanner avec un smartphone. « Aujourd’hui, même quand on achète du miel en Ukraine ou en Espagne, on ne peut pas savoir s’il a d’abord été importé de Chine ». La proposition a été faite à la Commission européenne, « mais le sujet a été reporté. La Commission est en général opposée à toute démarche administrative supplémentaire ». Pour les gourmands, la seule solution reste donc pour l’instant de se méfier des miels aux étiquettes imprécises.


COMMENT TROUVER LE BON ET VRAI MIEL

  • Si vous achetez en magasin, privilégiez les miels ayant une origine florale et géographique précise. Les fraudes ne sont pas absentes de ce type de miels, mais bien plus difficiles à camoufler. Évitez les miels portant la mention « mélange de miels originaires de l’UE et hors UE ».
  • Si vous achetez en direct auprès des apiculteurs, cela permet d’avoir un type (miel de lavande, châtaignier, acacia, sapin) et une origine précise, mais attention tout de même : un vendeur qui vous propose trop de miels est louche ! Faire dix miels différents représente déjà un gros travail pour un apiculteur…